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Les enfants : victimes pénales oubliées des violences conjugales ?

Le 01 juillet 2021

La lutte contre les violences conjugales est, depuis plusieurs années, une priorité et de nombreuses lois sont venues apporter tout un arsenal juridique destiné à protéger les victimes des violences intrafamiliales.

De très nombreux enfants sont témoins des violences subies par l'un de leurs parents, qu'il s'agisse de violences physiques, verbales ou psychologiques.

Il est évident qu'assister à des violences conjugales cause nécessairement un traumatisme chez l'enfant, qui peut être terrorisé par les violences, les cris, les pleurs et présenter des signes de stress post-traumatique.

Un grand nombre de ces enfants, et particulièrement lorsque les violences sont récurrentes,  présentent des problèmes de santé physique ou mentale, de l'anxiété, des troubles de la concentration, des échecs scolaires, des des troubles de la conduite sociale.

Les enfants qui ont assisté à des violences conjugales sont plus nombreux à devenir, à l'âge adulte, auteur ou victime de violences, puisqu'ils ont pu intégrer ce mode de fonctionnement conjugal comme une forme de normalité.

Dans ces conditions, les enfants devraient systématiquement être considérés comme des victimes, au sens pénal du terme, des violences subies en leur présence par l'un des parents.

La question se pose donc : pourquoi les enfants, témoins des violences conjugales, ne sont pas systématiquement considérés comme victimes de ces violences par la loi pénale ? 

Il convient de rappeler que l'article L222-14 du Code Pénal prévoit des peines aggravées pour les auteurs de violences habituelles commises par le conjoint ou le concubin de la victime.

Ce même article prévoit les mêmes sanctions aggravées pour pour les violences habituelles commises sur un mineur de moins de quinze ans.

L'article 222-14-3 du Code Pénal précise que "Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques."

Lors des débats portant sur la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, adoptée le 30 juillet 2020, un amendement avait proposé de sanctionner pénalement le fait, par un ascendant légitime, de faire ou de laisser assister ce mineur aux violences qu'il comment sur son conjoint. Il est toutefois regrettable que cette intention, louable, n'ait pas été retenue et que cet amendement ait été rejeté.

Avocats comme magistrats peuvent toutefois se saisir de cette question, puisque l'article 2 du Code de procédure pénale dispose : "L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction".

Juridiquement, la question est donc de savoir si un enfant, témoin de violences, souffre personnellement du dommage causé par l'infraction, ou s'il est une victime indirecte.

La réponse vient sans doute de la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui a considéré dans un arrêt du 4 juin 2019, que "tout acte qui, même sans atteinte physique de la victime, est de nature à lui causer une sérieuse émotion, un choc émotif ou une perturbation psychologique est susceptible de caractériser des violences volontaires".

Il serait donc possible de considérer que les enfants qui assistent à des violences conjugales subissent un choc émotif et souffrent personnellement de l'infraction, et donc de leur reconnaître la qualité de victime.

Les enfants pourraient ainsi, par l'intermédiaire de leur représentant légal, se constituer partie civile lors de l'audience correctionnelle et solliciter l'indemnisation de leur préjudice.

Il appartient à chacun d'entre nous de faire évoluer la justice pénale et de reconnaitre la souffrance des enfants témoins des violences conjugales, en se constituant partie civile dans l'intérêt des enfants, victimes directes des violences conjugales auxquelles ils sont confrontés.

Maître KAUFFMANN, Avocat au Barreau de Beauvais, intervient dans l'intérêt des enfants, tant devant les juridictions pénales que devant le Juge aux Affaires Familiales